Paracha Devarim  דְּבָרִים

 

Ce Shabbat nous entamons la lecture du 5e livre de la Torah, le Sefer Devarim, connu aussi sous le nom de « Michné Torah » (la répétition de la Torah que composa Moché sous inspiration divine), qui répète l'essentiel des 3 livres précédents : Chemoth (l'Exode, 2e livre de la Torah), Vayikra (le Lévitique, 3e livre de la Torah) et Bamidbar (les Nombres, le 4e livre de la Torah). La Parasha Devarim traite des réprimandes et du « Moussar » (façon de se conduire) que fait Moché aux Bné Israël, avant de quitter ce monde.

 

 Au début de la Parasha Devarim  (Perek 1, Passouk 1), il est dit :

הַיַּרְדֵּן אֵלֶּה הַדְּבָרִים אֲשֶׁר דִּבֶּר מֹשֶׁה אֶל־כָּל־יִשְׂרָאֵל בְּעֵבֶר « Celles là sont les paroles que Moché a déclarées à tous les Bné Israël de l’autre coté du Yardén… »

 

- Comment peut on dire que Moché a « déclaré » des paroles de « Moussar »alors que nous savons que Moshé bégayait, comme il est dit : כבד פי וכבד לשון « Moshé avait la bouche lourde et la langue lourde » ?

 

* A travers cette remarque, les ‘Hakhamim nous expliquent que Moshé Rabénou était le leader des Bné Israël, non pas pour des qualités exceptionnelles d’orateur mais pour ces qualités profondes (son humilité et sa sagesse…) qui ont permis de guider les Bné Israël dans un chemin de « EMET » (vérité) jusqu’à recevoir la Torah au mont Sinaï…

 

- L’origine du bégaiement :

Un Midrash raconte que Moshé se brûla la langue quand il était enfant au coté de Pharaon.

En effet, après avoir retiré la couronne du roi pour la mettre sur sa tête (signe de prise du pouvoir), Pharaon craignait que Moshé soit le futur libérateur du peuple juif et testa son « QI » de plusieurs façons…

Un test consistait à mettre en face de lui une braise de charbon et une date afin de savoir si Moshé le petit enfant saurait faire la distinction pour s’en servir avec une cuillère… Moshé voulait évidemment prendre la date, mais un ange contrôla sa main pour louper le teste afin que le doute de Pharaon disparaisse et que Moshé soit épargné…

 

à Le Midrash enseigne qu’après le don de la Torah, Moché Rabénou a rempli l’essentiel de sa mission, et a donc retrouvé la faculté de s’exprimer sans problème d’articulation. Et dans notre Passouk 1, à travers le mot דִּבֶּר  « déclarées », il est signifiait clairement que Moché Rabénou a pu parler convenablement.

Et à la question : Pourquoi n’est il mentionné cela qu’au début du Sefer Devarim (le Michné Torah) ?

 

è Le ‘Hakhamim expliquent que Moché c’est toujours exprimé au peuple pour répéter les paroles d’Hachem, tandis qu’ici, c’est de sa propre initiative que Moché a transmis aux Bné Israël des paroles de « Moussar », qui nécessitent en général une bonne qualité d’expression pour faire passer le message… Et c’est pour cela qu’il est marqué iciדִּבֶּר  « déclarées ».

 

 

* Au sujet de ces paroles de « Moussar » (réprimande et morale juive sur la façon de se conduire) que fait Moché au peuple, אֵלֶּה הַדְּבָרִים « Celles là sont les paroles … », Rachi précise :

 

« Etant donné que ce qui va suivre est constitué par des remontrances, et que le texte énumère ici tous les lieux où ils ont irrité Hachem, il dissimule les méfaits et ne les cite que par allusions, afin de ménager l’honneur d’Israël ».

 

- Cependant nous remarquons à un moment que l’ordre de l’énumération des allusions ne correspond pas à l’ordre chronologique des événements ! Pourquoi ?

 

En effet, il est dit au Passouk 1 les allusions suivantes : וַחֲצֵרֹת וְדִי זָהָֽב « …et ‘Hatserot et Di-Zahav »

 

(A) Tout d’abord, « ‘Hatserot » fait allusion à la querelle de Kora’h, qui c’est déroulée plus tard, après le don de la Torah… (Voir Rachi)

 

(B) Ensuite, « Di-Zahav » fait allusion à la faute du veau d’Or (« Zahav » = or), événement qui c’est déroulé plus tôt(Voir Rachi)

 

è Donc, nous voyons que les événements (A) et (B) sont inversés chronologiquement, et nous verrons 3 réponses à cela :

 

1- Au sujet du veau d’or, Rachi explique que cette faute a des conséquences graves (punitions) qui se répercutent sur le peuple juif à chaque génération.

 

à Cependant, quand les liens entre les Bné Israël sont forts et que règne la « A’hdoute » (amour fraternel, solidarité…), rien ne peut les atteindre, pas même les punitions qui leur sont dues s’ils ont fauté (comme la punition du veau d’or sur chaque génération)

Par contre, lorsque le peuple est divisé et qu’il y’a des querelles (comme celle de Kora’h qui s’est rebellé contre Moché), alors les Bné Israël deviennent vulnérables…

 

è Et c’est ce que nous enseigne cette ordre chronologique inversé, car suite à la faute du veau d’or et à la punition immédiate qui s’en suivit, le peuple d’Israël était devenu solidaire, et la « A’hdout » régnait. C'est-à-dire que la génération qui suivit ne méritait pas d’être punie, même pour la faute du veau d’Or ! Mais après la querelle de Kora’h, le peuple devint vulnérable et la punition (due au veau d’Or) qui sommeillait jusque là pour cette génération, a refait surface…

 

2- Lorsque Kora’h c’est rebellé contre Moché, Rachi explique qu’il revendiquait le fait que Moché n’avait rien d’exceptionnel par rapport à lui. En disant : « …Tu n’es pas seul à avoir entendu au mont Sinaï : « Je suis Hachem ton Elokim », mais toute la communauté l’a entendu ».

 

- Que veut dire cette explication de Rachi ?

 

Un Midrash affirme qu’à priori, pendant le don de la Torah, il fallait qu’Hachem dise « Je suis Hachem votre Elokim » car ce commandement s’adressait à tous les Bené Israël !

 

à En fait, Hachem a volontairement fait cela (par amour envers Israël) pour donner un argument à Moché afin de sauver le peuple juif suite à la faute du veau d’or (qui allait se réaliser plus tard). En effet, étant donné qu’il est marqué « Je suis Hachem ton Elokim » au singulier, on pouvait dire et interpréter ce commandement en disant que Hachem ne s’est adressé qu’à Moché pour se proclamer comme Dieu unique ! Ce qui excuserait l’acte d’idolâtrie commise par le veau d’or…

 

è Or Kora’h revendiquer le fait que Hachem c’était adressé à tout le peuple juif, pour affirmer que Moché était au même niveau que tout le monde et qu’il n’avait pas quelque chose en plus ou d’exceptionnel pour qu’Hachem puisse s’adresser exclusivement à lui !!

 

ð     Or en agissant ainsi, l’argument de Moché qui devait défendre le peuple juif d’avoir commis la faute du veau d’Or tombait à l’eau. D’où le choix de la chronologie inversée qui montre que c’est l’histoire de Kora’h qui remit le dossier du veau d’or sur table.

 

3- On aurait pu dire de ceux qui ont fait la faute du veau d’or, qu’ils étaient après tout des פתי מאמין (« Pté Maamin » = c'est-à-dire qu’ils croyaient en tout de façon neutre, bien sûr en Dieu mais aussi en d’autres forces…), et cela aurait pu être un argument pour atténuer l’importance de la faute…

 

à Mais lorsque Kora’h se rebella avec son assemblé et pris clairement position contre Moché pour renier plusieurs choses, et à travers cela calomnier Hachem !...

 

è Cela engendra que la faute du veau d’Or était bien un choix non neutre ! Et que l’on ne pouvait plus parler de « Pté Maamin ». D’où le choix de la chronologie inversée qui montre que c’est l’histoire de Kora’h qui remit le dossier du veau d’or sur table.

 

Dans le Passouk 5 de notre Parasha il est dit : הֹואִיל מֹשֶׁה בֵּאֵר אֶת־הַתֹּורָה הַזֹּאת « Moché commença d’expliquer cette loi là… », et pourtant ce n’est qu’à partir de la Parasha Vaét’hanan du Sefer Devarim que sont exposées les lois de la Torah, avec les 10 commandements... Et dans notre Parasha ne figure que des paroles de « Moussar »

 

- Alors y’a-t-il une signification pour laquelle il a été dit dans notre Parasha « Moché commença d’expliquer cette loi là… », alors que suivent tout de suite après que des paroles de « Moussar » ?

 

Rav Obadia Yossef explique d’après ce qui est marqué dans les Sefarim qu’il est important de revenir à la Téchouva avant de se mettre à étudier la Torah. Et le Rabbi de Louvlin rapporte qu’il est dit (Tehilim 50, Passouk 16) sur celui qui étudie la Torah sans avoir fait au préalable Téchouva : « Quant au méchant, Dieu lui dit : Qu’as-tu à proclamer mes statuts et à porter mon alliance sur tes lèvres ? »

 

 

à C’est la raison pour laquelle Moché commença tout d’abord par des paroles de « Moussar » (Paroles de morale juive, en leur rappelant par des allusions leur erreurs passées…), afin de ramener le peuple d’Israël à la « Techouva », avant d’expliquer les lois de la Torah…

 

è Et mon père (Rav Eliahou Amar) me fait remarquer la chose suivante : l’étude de la Torah nécessite au préalable une vraie Téchouva (un travail sur soi au niveau spirituel pour se rapprocher d’Hachem…), alors que pour des Mitsvot comme le « Loulav », les Téfilin…  il nous est pas imposé de faire « Téchouva » pour les pratiquer, car le but de la Mitsva et d’élever le matériel à des fins spirituels en prononçant une « Berakha » (Bénédiction), alors que la sainte Torah elle, descend du ciel et qu’il nous est pas permis de la manipuler n’importe comment…

Et il donne l’exemple suivant : Sur terre, nous travaillons la pierre pour construire des bâtiments, des tours, des ponts… Alors que des pierres « précieuses » qui proviennent de la lune (et donc d’un autre monde, de là haut) sont à manipuler différemment et avec la plus grande attention… ;o)

 

 

Un mot sur la Paracha Devarim

 

(Extrait du mail de l’Association Deborah Guitel qui diffuse chaque semaine un cours très intéressant de Halakha et un petit mot sur la Parasha. Inscrivez vous sur la mailing list en envoyant un mail à deborah-guitel@club-internet.fr pour recevoir un .doc ou un .pdf)

 

"Ceux-ci sont les mots que Moché a prononcés ...". "Le premier jour du onzième mois, Moché a dit aux Bené Israël ...".... " Moché a commencé à expliquer cette Torah de l'autre côté du Jourdain " (1:1, 3, 5)

Dans les cinq premiers Pessoukim (versets) de la Paracha, la Torah mentionne trois fois le fait que Moché a parlé à Israël,

Le Gaon de Vilna explique que ces Pessoukim constituent une introduction à tout le Sefer Devarim (le Deutéronome, 5ème livre de la Torah) lui-même divisé en trois sections.

En effet, le Sefer Devarim, que l'on connaît également sous le nom de ' Michné Torah ' (la répétition de la Torah), répète l'essentiel des trois livres précédents : Chemoth (l'Exode le 2ème livre de la Torah), Vayikra (le Lévitique, 3ème livre de la Torah) et Bamidbar (les Nombres, le 4ème livre de la Torah).

 

La première section, qui commence au début du Sefer et se poursuit jusqu'au cinquième chapitre dans la paracha Vaet'hanan, traite du Moussar (façon de se conduire) et de la réprimande. La deuxième section, qui s'étend des Assereth haDiberoth (les 10 commandements) jusqu'au milieu de la paracha Ki Tavo, traite des Mitsvoth (commandements). Enfin, la troisième section commence à ce point (27:9) et traite des Bera'hoth et des Klaloth (les Bénédictions et leurs contraires).

 

Ainsi, la 1ère citation "Eilé hadevarim acher diber Moché" introduit la première section (et cela explique pourquoi il contient un résumé des réprimandes). La 2ème phrase "Moché a dit aux Bené Israël tout ce que Hachem lui avait ordonné" se réfère à toutes les Mitsvoth et introduit la deuxième section. Et enfin " Moché a commencé à expliquer cette Torah " (où la Torah utilise aussi l'expression "Béer eth Hatora" qui annonce celle qui introduira la troisième section "Baér Héteiv" (27:8)).


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