L'Amour véritable dans le couple juif
"Est ce le diamant qui n'est pas adapté à la monture, ou
la monture qui n'est pas adaptée au diamant ?"
Le
Talumd rapporte l'histoire d'un païen qui se présenta
chez Chamaï pour se convertir à condition de lui
enseigner toute la Thora pendant qu'il se tiendrait sur un pied! Mais
Chamaï le chassa aussitôt. Tandis que Hillel accepta de le
convertir et lui enseigna alors : "Ne fais pas à
autrui ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse à toi même,
voilà toute la Torah. Le reste n'est que commentaires, va et
étudie!". Lorsque l'on sait que la Halakha a été
établie suivant l'opinion de Hillel, il devient évident
pour tous, que "Tu aimeras ton prochain comme toi même"
{Levitique 19} est bien le
principe de base d'une vie fondamentalement juive.
Un
jour, lors d'une cérémonie de fiançailles, un
'Hatan prononça en l'honneur de sa Kala un discours sur
"l'amour du prochain et de sa moitié d'âme",
qui fut apprécié par tous les invités. Comme sa
fiancée avait choisis une très belle bague de fiançailles avec un gros diamant, il se permis
de comparer la femme à un diamant brut qui devait être
taillé à chaque étape de la vie pour faire
ressortir ses multiples facettes et briller de mille feux. La beauté d'un tel diamant est alors
mise en valeur, lorsqu'on le fixe sur une jolie monture, qui elle, est associée
à l'homme qui la complète et lui garantit la stabilité,
pour former ensemble un bijou unique...
Evidemment, la Kala avait
choisis une magnifique monture, avec un support
croisée sertie de petits diamants, mais le beau diamant central était un peu trop gros pour ce type de monture. D'ailleurs, l'ironie de
l'histoire, c'est que le bijoutier n'avait pas le bon moule pour
adapter la monture désirée à ce gros diamant, et
le soir de la cérémonie la support croisée de la
bague paraissait donc légèrement tordu ! Cependant,
la Kala qui sans doute fut inspirée par le beau discours de
son 'Hatan, eut la grande sagesse d'afficher un large sourire devant
ses invités, comme si de rien était le soir même
de ses fiançailles, un peu comme si elle avait décidé
de tailler le diamant qu'elle représentait, pour épouser
parfaitement la forme de sa monture avec laquelle elle désirait
s'unir pour la vie.
Par la suite, alors qu'ils étaient déjà mariés,
quelques difficultés secouaient leur jeune foyer. Mais cette
même Kala ne su comment les surmonter, et sans doute par
facilité elle préféra oublier le discours de son
fiancé, pour adhèrer à tout l'opposé que
lui inspiraient ceux qui au fond la jalousaient de s'être unie
à sa moitié. Elle mit donc cruellement à
l'épreuve son mari, dans des situations vraiment terribles et humiliantes,
espèrant ainsi susciter une relation de réciprocité de haine gratuite et se donner bonne conscience pour mettre rapidement fin à sa relation.
Face à une situation aussi folle, dans laquelle cette femme semblait n'avoir aucun remord, le mari faillit tomber dans le piège et s'engouffrer dans un cycle de haine sans fin, mais il décida finalement de grandir dans sa Emouna, et de
garder ainsi ses valeurs et sa stabilité. Il se remémorait
alors les bons moments partagés avec sa moitié, jusqu'à
remonter à cette fameuse soirée où ils s'etaient tout juste fiancés. Et là soudain, un sourire se dessina sur
son visage lorsqu'il réalisa qu'il devrait à son tour
remodeler la belle monture qu'il représentait, et se renouveler en
apprenant à totalement pardonner pour s'adapter à ce
"gros diamant", celui aux "multiples facettes"
! Tout en prenant soin de ses précieux petits diamants sertis, qui faisaient partie de lui... (leurs enfants)
Moralité
de l'histoire : Le Yetser Hara' sème
au quotidien des embûches pour briser l'amour du prochain et
particulièrement l'amour dans le couple. Mais tout adulte
honnête, responsable et engagé, sait bien qu'au fond toutes ces mises à
l'épreuve ne sont que des occasions uniques pour se
renouveler, et renforcer l'union avec son prochain et les sentiments
d'amour qui les lient. Certes cela nécessite de gros efforts,
en taillant son diamant ou en adaptant sa monture, mais telle est la
bonne démarche de construction à adopter, en conformité
avec nos valeurs juives "selon la loi de Moïse et
d'Israël".
Lorsque
l'on se penche sur le commandement de base de la Torah : "Tu
aimeras ton prochain comme toi-même" {Levitique
19}, nous constatons qu'il repose
de manière surprenante sur l'expression d'un sentiment. Or,
peut-on enjoindre à quelqu'un d'aimer ?
De plus, le verbe est
conjugué au futur ("tu
aimeras" et
non pas "Aime")
comme s'il devait y avoir au préalable une
étape de connaissance de soi ("comme
toi même"), qui pourrait éveiller de vrais sentiments d'amour et de respect de soi d'abord
et envers son semblable ensuite ("comme
toi-même - ton prochain").
Effectivement, l'amour du prochain dont parle la Torah est avant tout un
sentiment profond issu d'une réflexion sur la connaissance de
soi. Mais alors, savons nous vraiment qui nous sommes pour connaitre
ce qu'est le vrai amour ?
A ce propos, on raconte qu'une fois, un jeune enfant
demanda à sa mère : "Maman,
qui sommes nous au juste ? Et comment l'homme a atterri dans ce monde-ci ?" Elle lui
répondit alors que "Hachem créa le monde en six
jours, le finalisa le septième jours (Shabbat)... Hachem forma
l'homme, mâle (Adam) et femelle (Eve), de la poussière
de la terre, et leur insuffla un souffle de vie (l'âme)...".
Quelques jours plus tard, il posa la même question à
son père. Ce dernier, très versé dans les
sciences, se mit à lui expliquer le Bing Bang et la théorie
de Darwin sur le l'évolution de l'homme : l'homme est le
descendant du singe qui avec le temps perdit ses poils et sa queue,
se mit à marcher et à réfléchir... et
devint enfin un homme !. Sans plus attendre, l'enfant
retourna voir sa mère en lui faisant remarquer que la réponse
de son père ne correspondait pas à la sienne. Elle
répliqua alors : "je ne vois
pas ce qui te perturbe mon enfant. Ton père t'a expliqué
quelles étaient les origines de sa famille, et moi je t'ai
expliqué quelles étaient les miennes. Maintenant à
toi de t'identifier à celles qui te correspondent, va et
étudie !"
Cette
histoire est plutôt marrante, mais elle révèle
surtout l'existence du potentiel le plus essentiel chez l'homme que nous sommes invités à exploiter à sa juste valeur. Il s'agit du
pouvoir de l'interrogation et de la remise en question, qui fait de
l'homme l'unique être doté d'une conscience, capable de
réfléchir sur ses origines et le but de sa vie afin de vivre une vie pleine de sens... Apprendre à se connaître et travailler sur ses
Midoth (vertus, bonnes & mauvaises) dans le but de s'améliorer
et avancer sur le chemin de la vérité, qui est aussi la
voie de la joie et de la sérénité, où
l'homme cultive son intégrité pour que le paraitre
extèrieur reflète son être intèrieur, et
que toutes ses pensées, paroles et actions reflètent
les aspirations profondes de son âme.
Tout
celui qui hélas ne s'est jamais penché sur ses origines
et n'a pas encore étudié sérieusement les
valeurs de son propre héritage pour les remettre en question
et construire son être, risque de passer à coté
de l'essentiel en adhérant au superficiel de ce monde, et
devenir ainsi l'esclave de ses plaisirs les plus égoïstes,
sans vraiment se différencier de cet "homme singe" pour qui "l'amour propre"
ne laisse pas de place à "l'amour du prochain".
Tout
être vivant a un potentiel, une fonction et un projet à
réaliser dans ce monde que Dieu a créé, et le
sens profond de la vie de l'homme repose sur ce que nous rappelons
chaque jour à l'office du matin : "la
supériorité de l’Homme sur l’Animal est
nulle, car tout est vanité. A part l’âme pure qui
est destinée à rendre compte et justice devant le trône
de Ta gloire".
En effet,
la Hassidout vient nous prèciser que chaque
juif possède en lui une âme divine (une
étincelle élevée spirituellement qui dans son
essence est une partie de Dieu lui même) et
une âme animale (une étincelle
moins élevée qui donne la vitalité au corps).
L'âme divine descend ici bas et se revêt d'un corps
physique afin de recevoir une élévation spirituelle
qu'elle trouve dans la pratique de la Torah & Mitsvot dans ce
monde matériel, au moyen d'objets matériels. Ainsi,
lorsque l'homme se tient à
cette pratique, son âme animale, qui fait vivre le corps, est
transformée et, dès lors, son âme divine accède
à la plus haute perception de la Divinité, qui est
l'élévation qu'elle était venue chercher
ici-bas. A l'opposé, la transgression fait surgir un défaut
dans le monde et dans la personnalité de l'homme, qui fait
obstacle à une telle perception. Rappelons cependant
que la faute n'est jamais irrémédiable et que la Techouva
est toujours possible.
Aussi,
le Tania {Chapitre
32}
nous révèle que l'assemblée d'Israël
désigne toutes les âme juives, identiques en leur source
première et qui ont un même Père. C'est pour celà
que tous les juifs sont des frères par la source de leur âme
en le Dieu unique. Et le Zohar {III,
283b}
prècise que de par leur plus forte proximité
spirituelle, un homme et son épouse constituent une seule âme
qui se sépare en mâle et femelle, et qui se réunissent
dans ce monde pour partager des expèriences et réaliser
ensemble leur mission.
Finalement,
seuls les corps sont diffèrents ! En conséquence, ceux
qui font une place essentiel à leur corps, et seulement
accéssoir à leur âme, ne peuvent éprouver
un amour et une amitié véritables, l'un envers l'autre,
mais uniquement un sentiment qui est subordonné à une
raison extèrieure. C'est pourquoi, les Sages nous rappellent
que "tout amour fondé
sur l'interet cesse avec la cause qui l'a fait naître, mais
l'amour désinteressé ne cesse jamais" {Pirké
Avot}.
Ainsi, l'injonction de la Torah d'aimer son prochain consiste à
manifester un sentiment d'amour naturel et non superficiel, qui unit
des frères ayant un même Père, malgré les
différences que l'on peut constater entre eux. Et celà
suppose biensûr de placer son âme au dessus de son corps,
ce qui est bien le préalable nécessaire pour l'ensemble
de la Torah.
Pour
conclure, si l'on devait donner une représentation à la
vie de l'homme sur terre, une échelle serait le meilleur
symbole. Chaque jour est un jour nouveau qui offre un challenge à
relever, une difficulté à surmonter, un échelon
à gravir pour aller toujours plus haut, en vivant de multiples
expériences qu'accordent le destin à chaque âme
revêtue de son propre corps. Et biensûr, l'homme n'est
jamais seul ! Avec sa famille, ses voisins, ses amis, son conjoint,
ses enfants et autrui, il va pouvoir acquérir des
connaissances, forger ses sentiments en fonction de ce qu'il a
compris, et agir en conséquence dans sa relation avec l'autre,
et apprendre à aimer d'un amour véritable pour
accomplir son devoir et preserver l'union au sein de son peuple : "Israël".
Nos
Sages nous rappellent alors que l'amour se décline en 3
catègories, et que seule la troisième constitue le
véritable amour d'après la Torah :
1
- "Ahavat haDomé" : L'amour du semblable
L'amour
de l'autre qui nous ressemble, qui pense pareil et qui partage les
mêmes idées, et a les mêmes passions et
aspirations... Mais que devient cet amour lorsque les points communs
disparaissent ?
2
- "Ahavat haShoné" : L'amour du différent
L'amour
de l'autre qui est source de richesse de par sa différence. A
deux, on se complète et chacun apporte à l'autre ce que
l'autre ne possède pas encore... Mais que devient cet amour
lorsqu'on ne trouve plus son compte et que la relation de
donnant-donnant n'est plus interessante ?
3
- "Ahavat ha'Atsmit" : L'amour profond
Lorsque
Adam vit Eve pour la première fois, il affirma qu'elle était
"Etsem Meatsamaï, bassar mibessari", qui se traduit
par "tu es l'os de mes os et la chaire de ma chaire", mais
nos Sages précisent que "Etsem Meatsamaï" veut
dire aussi "tu es l'essence de mon essence", pour signifier
qu'Adam reconnaissait en Eve son âme-soeur qui n'était
autre qu'une partie de son âme à lui ! Il réalisait
qu'elle était lui dans son essence, et il n'y avait rien de
plus à comprendre pour devoir l'aimer naturellement "comme
soi-même" et ne point éprouver de la haine à son égard, même si elle l'a fait fauter en goûtant au fruit interdit. Après tout, celà faisait partis de leur projet commun de Tikoun...
Ainsi ont été
créés les âmes d'Israël, lièes par
leur source spirituelle, l'une avec l'autre et en particulier avec son âme-soeur,
pour réaliser leur projet commun.
Dans le Sefer Hayom Yom il est mentionné que l'Admour Hazaken rapporta un enseignement du Maguid de Mezeritch, qui le tenait du Baal Chem Tov :
«Tu aimeras ton prochain comme toi-même» est un commentaire et une explication de «Tu aimeras l'Eternel ton D.ieu». Lorsque l'on aime un Juif, on aime D.ieu. Car chaque Juif porte en lui une parcelle de Divinité.
Ainsi, lorsque l'on aime un Juif, lorsque l'on aime la partie profonde de son être, on aime l'Eternel.
Qu'Hachem
dans sa bonté infinie puisse nous accorder une vie pleine de
sens sur la voie de la vérité, remplie de joie et de
bonheur, et que nous puissions accomplir comme il se doit nos
devoirs conformèment aux valeurs de la Torah, en nous aimant les uns les autres d'un amour profond et
gratuit, et hater ainsi la venue de Machia'h... Amen !
Kol
touv
Yoël
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