REEH

(Deuterome 11:26 - 16:17)
  • Vivre pour manger ou manger pour vivre


  • "... Tu diras 'Je veux manger de la viande' parce que tu auras envie de manger de la viande, tu pourras manger de la viande, autant que tu en auras envie (...) tu pourras tuer , de la maniere que je t'ai prescrite. (Deut.12:20)

    AU-DELA DU DESIR

    Le desir ne peut ni ne doit etre ote. Le monde ne peut etre ampute du desir qui est la seve de la creation, mais celui-ci doit etre soumis a la loi, l'unite qui en retient l'eparpillement.

    Nous devons manger de la nourriture cachere; car tout comme le sucre est mauvais pour le diabetique ou la graisse pour quelqu'un qui a du cholesterol, la consomation d'un produit "Tareph" (non-cachere), meme en quantite infime, souille la personne et lui ferme les canaux de la sagesse.
    Chaque aliment consomme engendre et developpe un temperament qui lui est specifique.

    Il ne suffit pas que l'animal consomme soit cachere il faut qu'il ait ete tue selon les regles de la "Chrita" (abattage rituel): ceci doit perpetuer le souvenir de la destination du sacrifice, a quoi chaque animal etait primitivement soumis.
    La "Chrita" est exactement la meme que celle qui etait accomplie dans le Temple.
    Tout se passe comme si notre table familale se dressait a cote de l'autel de D-ieu, comme si l'animal que nous consommons venait d'etre sacrifie sur le parvis du Temple.

    L'ELEVATION DE LA MATIERE

    Comme nous l'avions deja explique a l'occasion de la Parasha Michpatim, le fait de manger est avant tout un processus qui consiste a elever les manifestations primaires de la vie a un niveau superieur: du mineral au vegetal, eleve ensuite au niveau animal et finalement, au niveau de l'homme et de faire participer ainsi les regnes inferieurs au service de D-ieu.

    Les niveaux de saintete les plus eleves peuvent etre atteints par l'acte de manger, car la nourriture que l'on consomme peut etre transformee en priere, benediction et etude de la Thora; on peut ainsi impregner de divinite toute nourriture que l'on consomme, en prononcant ou en recitant des benedictions.

    La nourriture joue un role preponderant dans le raffinement et la purification de la creation.
    Elle introduit la joie, le bonheur et la joie dans l'univers.
    Non seulement il n'existe pas de dichotomie veritable entre les fonctions physiologiques de l'homme et sa vie interieure, mais au contraire, les premieres etant l'indispensable substrat de la seconde, elles jouent un role eminent dans toutes les manifestations de la vie interieure y compris dans la vie intellectuelle et la vie spirituelle.

    VIVRE POUR MANGER OU MANGER POUR VIVRE

    Il n'est peut-etre pas juste de dire que nous vivons pour manger, mais il n'est pas plus juste de dire que nous mangeons pour vivre.
    Car la finalite du manger est contenue dans l'aliment

    Comme toute chose dans la creation, la nourriture possede une source ou elle puise sa vitalite spirituelle.
    Quand on mange, on fournit a son tour une nourriture spirituelle a l'aliment lui-meme, car l'appetit humain est force spirituelle.
    Quand on satisfait son appetit, son energie passe dans la nourriture et lui donne la vitalite qu'elle cherche.
    C'est la raison pour laquelle une quantite normale de nourriture donne la sante a celui qui la consomme: l'individu nourrit de spiritualite ce qu'il consomme et la nourriture le maintient en vie.

    En tant que juifs, lorsque nous mangeons, nous alimentons simultanement la fonction biologique et une autre fonction: celle d'unir notre etre qui est dote de la conscience, avec l'element organique que nous absorbons et qui lui, en est depourvu.
    Pourtant, meme s'il en est inconscient, l'aliment que je consomme provient de D-ieu tout comme moi-meme; il comporte une part de saintete et l'absorber consiste precisement a faire fusionner cette part avec moi-meme.
    Il s'agit en fait d'unifier l'homme avec la nature interne, l'essence divine, de ce qu'il consomme.

    ETINCELANTE MATIERE

    En Occident le fait de manger est concu comme un acte exclusivement biologique, aussi a-t-on coutume de distinguer les nourritures terrestres des nourritures spirituelles. Cette conception n'est pas celle du judaisme.
    Elle serait contraire a l'idee qu'on se fait de l'unite de la personne humaine, de ses rapports avec le sacre et du sens meme de la vie.

    Toute jouissance est une maniere d'etre, mais aussi une sensation c'est a dire lumiere et connaissance. Au jouir appartient essentiellement un savoir, une luminosite.
    Cette conception de la nourriture comme support de la connaissance a son origine dans la chute des etincelles divines.
    Lors de la creation de l'univers, les "vases" destines a recevoir la lumiere divine n'ont pas pu en supporter l'intensite et se sont brises.
    Une partie de cette lumiere, "les etincelles", est tombee de ce fait dans la matiere.

    Le divin est present dans le monde; car le divin, ce n'est pas seulement une pure essence qui se situe au-dela de toute realite.
    Les forces divines irriguent le reel auquel elles sont melees et qu'elles font vivre.

    NOURRITURE ET CONNAISSANCE

    Ainsi, c'est l'energie que procure la nourriture qui assure le fonctionnement du cerveau: le physique et le mental sont indissolublement associes.
    Autrement dit, manger, c'est la premiere demarche non seulement de la vie du corps, mais aussi de la vie de l'esprit.
    Manger est l'acte le plus banal et, cependant, c'est deja le premier palier de la connaissance.
    Adam a mange du fruit de l'arbre de la connaissance, des lors l'acces a la connaissance passe par son absorbtion.
    L'homme fonctionne comme une usine de retraitement: il transforme et broie la nourriture, en absorbe une partie qui constitue son "carburant energetique", mais il absorbe egalement des "calories spirituelles", ces etincelles de Saintete.

    C'est ainsi que l'on peut interpreter le verset: L'homme ne vit pas que de pain mais de tout ce qui sort de la bouche de D-ieu" (Deut.8:3)
    Il faut comprendre: l'homme ne vit pas que des calories que donne le pain (la nouriture), mais de l'energie divine, que la Thora appelle "la bouche de D-ieu" et qui fait "vivre" le pain dont elle constitue l'essence veritable.

    Autrement dit: il semblerait a premiere vue que je ne fais que consommer de la matiere, alors qu'en realite, c'est du langage que j'integre: la parole divine constitue la veritable matiere de la nourriture.
    Ainsi, manger, c'est simultanement vivre et connaitre.

    Base sur: Le chandelier d'or de Josy Eisenberg et Aldin Steinsaltz;
    Le temps et l'autre d'Emanuel Levinas
    La voix de la Thora de Elie Munk
    Le pont tres etroit de l'enseignement de Rabbi Na'hman de Bresslev.

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